XALBADOR : berger, improvisateur et prophète !
C’est le 7 novembre 1976 que Fernando Aire, Xalbador, berger et improvisateur originaire d’Urepel est décédé subitement. Près d’un demi-siècle après, le Pays Basque se souvient et chante « Nun hago ? Où es-tu ? » l’hommage rendu par le poète Xabier Lete.
Fernando Aire Xalbador (1920-1976), un des meilleurs bertsulari du XXème siècle, est toujours un véritable mythe pour des milliers de passionnés de littérature improvisée et chantée en langue basque. Ce bas-navarrais très apprécié dans l’ensemble des sept provinces du Pays Basque avait été victime d'une crise cardiaque le jour où des centaines de personnes lui rendaient hommage dans son village natal d'Urepel, dans la vallée bas-navarraise des Aldudes. Xalbador avait profité de l’occasion pour présenter son livre Odolaren Mintzoa (La parole du sang), véritable bible pour les passionnés de vers improvisés en euskara.
Visiblement gêné par la douleur, Fernando Aire s'était discrètement levé de table. Michel Labeguerie, médecin et à l'époque député bascophile, ne parvint pas à réanimer le berger d’Urepel qui, avant de rendre son dernier souffle, regretta de ne pas avoir pu saluer l'assistance. Ses enfants se souviennent encore qu'à ce moment-là, un ami lui a dit qu'il remercierait son public à une autre occasion. Mais les yeux de Xalbador se sont fermés et sa voix s'est tue à jamais. De nombreuses personnes présentes sont rentrées chez elles sans savoir qu'il venait de décéder. Mixel Itzaina, grand amateur de bertsu et organisateur de l'événement se souvient que quelques jours auparavant, Xalbador lui-même avait avoué se sentir fatigué et qu'il lui serait difficile de surmonter tant d'émotions.
Entrée en scène de Xalbador
Fernando Aire a chanté en public pour la première fois dans son village à Urepel alors qu'il n'avait que 16 ans. Ses enfants Henriette, Daniel, Michel et Hélène racontent que leur défunt père s’évadait souvent dans ses pensées pour réfléchir et improviser des vers. Le berger bas-navarrais pouvait se concentrer durant des heures, notamment lorsqu'il se rendait à la bergerie familiale située dans les hauteurs de la vallée des Aldudes. Tous les quatre s'étonnent encore de la qualité de la calligraphie d'une personne qui a quitté l'école à l'âge de onze ans. Fernando Aire est né et a grandi dans un milieu bascophone où l'entraide était de mise entre les villageois.
Xalbador lui-même avait reconnu qu’il devait sa célébrité à Teodoro Hernandorena. Originaire du Gipuzkoa, il avait encouragé Mattin d’Ahetze et Xalbador à se produire un peu partout et à participer à de nombreuses manifestations culturelles. En plein franquisme, Teodoro Hernandorena avait dû fuir et s'installer en Pays Basque nord où il a continué à promouvoir la culture basque et notamment le bertsularisme, l'improvisation chantée, rimée et rythmée sur un thème imposé.
Biographie du berger d'Urepel
Xalbador est devenu l'une des personnalités les plus appréciées. Il a chanté dans des centaines de fêtes patronales et a participé à pratiquement tous les concours et championnats de son époque. Il a remporté de nombreux concours organisés au Pays Basque nord et s'est classé quatrième au championnat du Pays Basque en 1960, troisième aux deux suivants, en 1962 et 1965, et deuxième deux ans plus tard.
Acclamations et applaudissements
En 1967, lors de la finale légendaire qui s'est déroulée au fronton d'Anoeta à Donostia-Saint Sébastien, Uztapide et Xalbador se sont affrontés pour le titre de champion. Dans une atmosphère relativement hostile, le bas-navarrais a lancé alors :
Anai-arrebak, ez otoi pentsa
Neure gustora nagonik
Poz gehiago izango nuen
Albotik beha egonik
Zuek ez bazerate kontentu
Errua ez daukat ez nik
Txistuak jo dituzute bainan
Maite zaituztet oraindik.
Traduction : Frères et soeurs, s'il vous plaît, ne pensez pas que je suis satisfait.
J'aurais eu plus de joie
en écoutant d'un côté.
Si vous n’êtes pas contents
Ce n'est pas de ma faute.
Et malgré vos cris et sifflets,
je vous aime toujours!
Le public avait critiqué la décision du jury de placer Xalbador à la deuxième place et avait applaudi avec enthousiasme sa surprenante déclaration d'amour. En plus de son dialecte bas-navarrais, Xalbador avait montré qu'il maîtrisait parfaitement les variantes les plus courantes du Gipuzkoa pour améliorer la communication avec le public.
Le berger a été un véritable pionnier en évoquant des sujets inhabituels à l'époque tels que la patrie basque, l’amour ou les migrants qui traversent les Pyrénées. Ses vers sont devenus d’authentiques messages universels.
48 ans après...
L'héritage de Xalbador est immense. Ses livres Herria Gogoan, Ezin bertzean et Odoloren Mintzoa sont tous des références de la culture basque. À Cambo, le collège bascophone de Seaska porte le nom de Xalbador.
Tous ceux qui ont connu le berger le plus célèbre n'hésitent pas à dire que son épouse, Léonie, a contribué à la carrière de son mari. Elle a toujours accepté qu'il s'absente de la ferme pour participer à de nombreux festivals dans tout le Pays Basque. De plus, Léonie accueillait toujours avec le sourire les dizaines et dizaines de personnes qui se rendaient à la maison familiale Xalbadorrenea depuis laquelle on peut admirer une des vues les plus spectaculaires d'Urepel.
48 ans après sa mort, chacun à leur manière, tous les descendants de Xalbador continuent de faire avancer chaque jour le pays des basques, ses habitants et leur langue, l’euskara.
Aussi, ils n'oublient jamais la devise de Xalbador : Herria da gorputza, Hizkuntza bihotza!
Le pays est le corps, et la langue son cœur !