HISTOIRE : 85 ans après, la fin d’une injustice
La restitution de l'immeuble du 11 Avenue Marceau à Paris aux démocrates basques du Parti Nationaliste Basque a eu lieu ce samedi. L’édifice avait abrité le gouvernement basque en exil pendant la Seconde Guerre mondiale avant d'être confisqué par les nazis puis remis au régime franquiste.


Ce samedi 20 septembre, les démocrates basques ont célébré la restitution à leur parti de l'immeuble de l'Avenue Marceau à Paris. Lors d’une cérémonie organisée dans la capitale française, à quelques pas du pont de l'Alma, le président du Parti Nationaliste Basque, centristes modérés, Aitor Esteban, a affirmé que Marceau est "un symbole de résistance d'un Peuple, de la lutte contre le fascisme et le nazisme, de l’exil, et de construction européenne". De son côté, son prédécesseur, Andoni Ortuzar, a souligné que "nous assistons à un acte de justice, de mémoire et de réparation".
En 1936, des militants du PNB avaient acheté l'immeuble parisien qui avait été aménagé pour accueillir le Gouvernement Basque d’Euskadi présidé par le Lehendakari José Antonio Agirre en exil. Le bâtiment fut confisqué par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et remis à la dictature franquiste.
Une cérémonie “historique”
Ce samedi le salon principal de l'immeuble était bien étroit pour accueillir les nombreux représentants, militants, sympathisants et les membres de la diaspora basque résidant en France. En plus du Lehendakari actuel, Imanol Pradales ; la vice-lehendakari, Ibone Bengoetxea ; les conseillers Noel d'Anjou, Nerea Melgosa et Amaia Barredo ; les porte-paroles du parti du Congrès espagnol, Maribel Vaquero, du Sénat, Estefanía Beltrán de Heredia, et du Parlement européen, Oihane Agirregoitia et le président du Parlement de Navarre Unai Hualde avaient fait le déplacement à Paris. Pantxoa Bimboire Haritschelhar, président du parti en Pays Basque nord se trouvait également parmi les invités.
Aitor Esteban et le Lehendakari Imanol Pradales ont été les premiers à franchir le portail bleu de Marceau pour dévoiler une plaque à l'entrée de l'immeuble écrite en basque et en français avec l'inscription suivante : "Erbesterapen, askatasun eta demokraziaren ikurra. Agirre Lehendakariak hemen izan zuen abegi. Naziek EAJ-PNVri ebatsia ta 2025ean berreskuratuta" (Symbole d'exil, de liberté et de démocratie. Ici reçut refuge le Lehendakari Aguirre. Volé par les nazis à EAJ-PNV et récupéré en 2025).
Selon Aitor Esteban “cet immeuble a représenté tous les principes auxquels croit ce Parti et pour lesquels cela vaut la peine d'être en politique. Cette restitution n'est pas du passé ; c'est l'avenir. L'avenir pour les nouvelles générations de Basques”
Aussi, le président du parti a dénoncé le scandale que le Parti Populaire et l’extrême droit espagnole de Vox "ont provoqué à l’occasion de la restitution de l'immeuble. "Nous ne l'oublierons pas. Ils ont été de dignes successeurs du régime franquiste. Le Pays Basque ne se construit pas par la force, mais avec de la constance, des mots et une volonté démocratique. C'est la manière de convaincre. Vaincre par la force sans convaincre est voué à l'échec", a réitéré Aitor Esteban.




Dans son intervention, Andoni Ortuzar a rappelé que l'an dernier il avait eu l'occasion de participer dans le même salon de l'immeuble de Marceau à une cérémonie lors de l'anniversaire du Conseil Espagnol du Mouvement Fédéral Européen. L'ex-président du parti a remémoré que pendant son discours il souhaita la bienvenue "dans notre maison" aux personnes présentes. "Certaines avaient froncé les sourcils avec surprise, et d'autres avec un certain dégoût. Mais c'était la vérité. Nous savions alors qu’il s’agissait de notre maison et aujourd'hui elle l'est à nouveau de plein droit".
"Franco et ses gouvernements dictatoriaux avaient voulu convertir cet immeuble en un symbole de leur victoire et de notre défaite, celle des basques démocrates. Ils s’étaient battus pour l'usurper et le maintenir. Ce retour sert aussi à nettoyer la présence violente entre ces murs des nazis, des agents de la Gestapo et de la police franquiste qui coûtèrent tant de vies. C’est aussi en mémoire et hommage à toutes ces victimes que nous sommes ici aujourd'hui", a expliqué Andoni Ortuzar, l’ancien président du Parti Nationaliste Basque.
Un peu d’histoire
Plusieurs membres de EAJ-PNV avaient acquis l'immeuble du 11 avenue Marceau le 12 septembre 1936, avant que ne se constitue le premier Gouvernement Basque d’Euskadi, le 7 octobre de cette même année. En raison de la guerre civile et l'exil, il fut aménagé pour accueillir le Gouvernement Basque dirigé par le Lehendakari José Antonio Agirre qui avait lui même dû fuir. L'immeuble avait été confisqué par l’occupant allemand et la Gestapo quand le nazisme envahit la France en 1940. L'immeuble fut récupéré après la Seconde Guerre mondiale en 1944, mais la France le remit à nouveau aux autorités franquistes en 1951.
Les démocrates basques ont essayé de récupérer l'immeuble à plusieurs occasions. Depuis 2022, un article de la Loi de Mémoire Démocratique négociée avec le gouvernement espagnol permet la restitution de confiscations qui auraient eu lieu à l'étranger, et c’est ainsi que l'immeuble a été restitué à son propriétaire : le Parti Nationaliste Basque, constitués de centristes et étant aux affaires dans la communauté autonome basque d’Euskadi, la communauté forale de Navarre et les principales mairies et institutions publiques du Pays Basque sud. Le petit palais aurait une valeur d’environ 20 millions d’euros et pour l’instant les propriétaires n’ont pas encore tranché quel sera son avenir. Depuis quelques années il était occupé par l'institut Cervantès qui vient de déménager il y a quelques jours.
Témoignages
Ce samedi, les personnes qui ont assisté à la cérémonie de restitution du 11 avenue Marceau étaient visiblement émues, parmi elles, Amaia Agirre Muñoa actuelle maire de Getxo près de Bilbao et petite fille du Lehendakari mort en exil à Paris en 1960.
“Aujourd'hui je suis retourné au nº 11 de l'Avenue Marceau, à Paris, avec des émotions et des sentiments difficiles à expliquer. Ce lieu n'est pas seulement une adresse ou un immeuble. C'est une partie vivante de notre histoire et identité en tant que peuple. De notre mémoire collective en tant que démocrates basques. C’est ici qu’a travaillé, résisté et rêvé mon “aitite”, le Lehendakari José Antonio Agirre, aux côtés d'un Gouvernement Basque qui sut maintenir debout la dignité, la démocratie et l'espoir face au fascisme, même dans les pires moments de l'exil. Revenir aujourd'hui dans ce siège du premier Gouvernement Basque en exil, et le faire après avoir récupéré sa titularité légitime pour EAJ-PNV, est bien plus qu'une visite : c'est un acte de justice historique” a expliqué Amaia Agirre.
“C'est aussi un hommage à toutes ces femmes et hommes qui ont tout donné pour Euskadi. Leur legs nous rappelle que la liberté et la démocratie ne s'héritent pas : elles se défendent chaque jour, avec engagement, avec mémoire et avec espoir” a assuré la maire de Getxo. (ci dessous)









